• Séance du 30 mars - par Maële

     

    LA FIN EST PROCHE

     

    Chaque semaine nous faisons, défaisons, recommençons, créons, choisissons, explorons. Parce que le théâtre, c’est un renouveau continuel, qu’on ne s’arrête jamais, et que l’on peut avoir l’impression de ne pas jouer alors que si. C’est une aventure sans cesse renouvelée. Cela ressemble de près à l’histoire que vit Dionysos dans Les Bacchantes. En effet, ce dieu fait le tour du monde pour faire que son culte  soit une chose connue et reconnue par tous, que le plus grand nombre le célèbre. Il s’en va, accompagné de ses Bacchantes, répandre sa parole.

    Ainsi, dans notre montage, nous avons choisi de représenter Dionysos sous la forme d’une statue, qui voit tout, assiste à tout, entend tout, réagit même parfois, quand Penthée a le dos tourné. Cette perspective est amusante, à jouer comme à observer. De fait, Dionysos joue avec Penthée, le charme, se moque de lui. Le fait d’avoir deux Dionysos sur scène renforce l’idée de dualité, et met dans l’esprit du spectateur l’image d’un dieu complexe, peut-être incompréhensible, inaccessible. Pour transmettre cette idée, Manon (Penthée à ce moment), tourne autour de la statue et du « vrai » Dionysos, accolé à cette dernière. Il ‘approche, et non sans effroi, commence à le caresser, de façon sensuelle et douce, d’une main pleine de désir. Penthée apparaît comme hypnotisé, sous l’emprise totale de ce gourou. Penthée est un personnage qui se situe dans la retenue, il est incapable de croire en quelque chose, cela le dépasse. De même, nous avons décidé de le faire s’enfuir, à pas rapide, tout en contournant le dieu et sa statue. Il finira donc par s’adresser à lui, de dos, comme pour camoufler sa peur. Cette scène trace le chemin que va suivre l’homme jusqu’à la fin du récit, je dirais même que c’est le début de la fin.

    Penthée, cependant, qui ne pense pas à céder à la tentation, affronte Dionysos. Presque collés l’un contre l’autre, les deux ennemis veulent se dominer, mépriser l’autre. Je trouve que cette scène, de cette manière, fonctionne très bien. Il est vrai que la tension, grâce à la distance très réduite, est renforcée. Cela donnerait presque l’impression au spectateur d’une coupure, dans un jeu qui, jusque-là, se trouvait être mis à distance.

    Pour jouer ce spectacle, tout notre corps, plus que jamais, doit être sollicité. Il est nécessaire d’adopter la posture propre au personnage, ses émotions aussi. Il nous faut croire à ce que nous disons, donner l’impression que nous vivons la chose, que le sentiment que l’on exprime est tout simplement intérieur. Cet aspect du jeu doit notamment se retrouver dans le jeu des Bacchantes. Au moment de ‘l’enfermement de Dionysos, les Bacchantes doivent apparaitre folles de rage, emplies de désespoir, en colère. Elles tapent à chaque porte qu’elles trouvent, cherchent Dionysos avec ténacité. Dans cette scène, les Bacchantes apparaissent plus que jamais dépendantes du dieu, qui les protège, veille sur elles. Elles sont totalement démunies. Lorsque Caroline (Dionysos) rejoint alors le plateau, se cachant derrière la statue que je suis, entonne un long discours et les appelle, ses suiveuses, bien que stupéfaites, doivent se sentir bien, elles sont rassurées. Je trouve que cette scène ne fonctionne pas encore absolument, parce que deux sentiments contraires doivent être exprimés en même temps. C’est-à-dire, le bonheur, la joie, d’entendre leur maître, de savoir qu’il va bien, mais aussi l’inquiétude, car les Bacchantes l’entendent mais ne le voient pas. Encore une fois, Dionysos s’amuse.

    Effectivement, Dionysos, joue de la situation, il en profite pour faire des blagues, c’est un personnage narquois. Ainsi, quand les messagers entrent dans la salle, et demandent la permission de conter leurs récits, Dionysos est exalté. Dès que Penthée accepte, il court, sourire aux lèvres et pousse avec entrain les deux bergers, qui s’approchent donc. Dionysos est aux anges, fier de lui plus qu’il ne l’a jamais été, il nargue son adversaire avec des gestes de la main, des mimiques très marquées et des hochements de tête. Penthée est alors ridiculisé, montré aux yeux de tous comme le petit jouet de ce dieu qu’il exècre. Pour ma part, j’adore jouer ce moment. Je pense que je pourrais réussir à beaucoup m’amuser avec, en surjouant l’étonnement par exemple. De plus, j’aime ce genre d’exercice et je suis contente que cela me revienne.

    Pour moi, si je devis résumer mon rôle dans cette adaptation de la pièce, je dirais que, je suis Dionysos, du moins, son double. Je suis une statue. Figée sur la scène, je nargue Penthée, je me moque de lui, tente de le rendre risible, ridicule. Comme un dieu, je vois tout, entends tout, je suis toujours là, mais seuls mes adeptes me voient. En cela, l’omniprésence des Bacchantes traduit de façon symbolique la mienne. Elles défendent leur dieu, sont prêtes à combattre les hommes de tout un peuple pour lui rendre grâce.

    Il nous faut redoubler d’efforts, rassembler tout ce qu’il nous reste de force et d’énergie et foncer, car la fin est proche…